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“En un tourbillon, la joie se change en colère se change en peur puis en ironie amusée ; c’est comme sauter d’un avion les bras bien écartés, en sachant pertinemment qu’on sait voler, pour découvrir que ce n’est pas le cas et que, non seulement on n’a pas de parachute, mais qu’on ne porte pas non plus de vêtements et que les gens en dessous ont tous des jumelles et rigolent en nous regardant dégringoler vers une mort extrêmement embarrassante.”

Caden est un adolescent de quinze ans ordinaire, qui s'intéresse à l'athlétisme et aux jeux vidéo. Pourtant, il adopte un comportement de plus en plus étrange aux yeux de ses parents : il marche seul et pieds nus dans les rues, craint que ses camarades de classe ne veuillent le tuer... Dans son esprit, Caden est devenu le passager d'un navire voguant sur des mers déchaînées. Lorsque cela devient trop difficile pour lui de garder le contact avec la réalité, ses parents doivent l'interner en asile psychiatrique. Commence pour le jeune homme un long voyage qui doit le mener au plus profond des abysses, au risque de s'y noyer…

Un récit sur la réalité des maladies mentales. Le goût amer de l'abîme est un livre difficile à lire, mais cela en vaut la peine. Un OVNI de la littérature jeunesse avec un message fort.

Sorti le 30 août 2018, Neal Shusterman 408 pages, Nathan.

Ce livre est étrange, bouleversant, déstabilisant et angoissant. Mais c'est un livre nécessaire, qui met en lumière un sujet caché, un sujet tabou, celui des maladies mentales.

Le Goût Amer de l'Abîme prend la forme de deux récits en alternance : la vie quotidienne de Caden Bosch avec ses amis et sa famille, qui est de plus en plus perturbée par sa maladie mentale, et son autre vie d’artiste à bord d’un navire. Le navire se dirige vers le point le plus profond de l’océan, où des monstres gardent tout le trésor du monde. Le roman fait la navette entre ces deux narrations et, au début, il n’y a pas de lien apparent entre les deux vies de Caden Bosch. Nous voyons Caden aller à l'école et craindre que ses camarades de classe complotent pour le tuer. À bord du navire, il va et vient pour lutter contre le balancement des vagues; regarde des cerveaux voyous se précipiter comme des rats à travers le pont; et suit le voyage à travers l'art.

Je sais que le style narratif et la structure de l’histoire ne vont probablement pas plaire à tout le monde. J'ai moi-même eu quelques difficultés à rentrer dans le livre, mais je me suis accrochée et ça valait le coup. Il y a une intrigue de base, mais l’histoire concerne davantage l’expérience de la maladie mentale qu’une série d’événements. Il y a un moment vraiment important dans le texte, quand le récit passe de la première personne à la deuxième personne (qui, vous le savez, n’est pas souvent utilisé pour raconter des histoires). J'ai aimé l'impact de ce choix narratif. C’est le moment où Caden se perd, sentant qu’il n'y a plus de "moi". Juste le "nous". Ce sont des tentatives de représenter l'expérience de la maladie mentale à travers l'expérimentation de la forme littéraire.

En plus de tout ce travail narratif, des illustrations réalisées par Brendan Shusterman (le fils de l'auteur) sont intégrées au roman. Un acte important qui prend beaucoup de sens quand on lit l'histoire.

Ce livre porte un message important et poignant qui mérite d'être partagé et qui devrait être diffusé. Un récit presque autobiographique, qui raconte les difficultés des maladies mentales : la prise en charge médicale, les lourds traitements médicamenteux, la peine des proches, l'espoir puis la perte d'espoir... Tout est dit avec vérité, sans artifices, sans pathos. Je vous le recommande ! 

 

Pour conclure : 

+++ : L'alternance entre la réalité et les hallucinations de Caden, le témoignage personnel et la dénonciation de certains aspects des difficultés des maladies mentales, le thème fort, la plume, l'expérience de lecture incroyable. 
- - - : Une forme très originale qui peut faire peur au premier abord. 

Et vous ? Avez-vous lu ce livre ? 
Qu'en avez-vous pensé ? 

Love,